15 juin 2007

Incorrigible Parlement européen !, par Nicolas Dupont-Aignan

Le 7 juin, le Parlement européen s’est une fois de plus distingué en adoptant une de ces résolutions dont il a seul le secret : par 469 voix pour (141 contre et 32 abstention), l’auguste assemblée, « considérant qu’une large part des réserves exprimées lors des référendums français et néerlandais étaient liés au contexte plutôt qu’au contenu », « réaffirme son soutien au contenu du traité constitutionnel et demande la conclusion du processus de ratification du nouveau traité d’ici à la fin 2008… ».

Quant aux « préoccupations exprimées par la France et les Pays-Bas et au débat qui s’est tenu dans ces deux pays », le PE en « prend note », pour aussitôt souligner que « deux tiers des Etats membres ont déjà ratifié le traité et que quatre autres ont clairement exprimé leur engagement en faveur des dispositions qu’il contient. »

Pour les non-initiés au langage alambiqué de l’assemblée de Bruxelles, cela signifie tout simplement que le PE appelle les négociateurs à reprendre l’intégralité des dispositions neuves de la Constitution européenne, au mépris total de la voix démocratique qu’ont fait entendre les Français et les Hollandais. Mais, attention, le Parlement européen sera disposé à une concession de taille : dans sa magnanimité, il serait prêt à renoncer au nom de « Constitution ». Voilà qui rassurera sans aucun doute les citoyens des deux pays !

Bien entendu, les résolutions de ce type n’ont aucune valeur contraignante pour les Etats. Elles sont simplement des pétitions de principe au moyen desquelles le PE entend influencer les gouvernements nationaux et tracer la route de la prétendue démocratie supranationale à venir.

Purement incantatoires, ces résolutions n’en sont pas moins odieuses, puisqu’elles contestent une fois de plus, au nom d’une conception de la démocratie prétendument supérieure à la démocratie nationale, le droit fondamental individuel et collectif des citoyens à disposer d’eux-mêmes.

Souvenez-vous, c’est exactement le même argument qu’invoquaient les idéologues de la constitution soviétique de 1936 : « Face aux démocraties bourgeoises formelles, l’URSS incarne une démocratie en devenir d’une qualité bien supérieure, ce qui justifie bien sûr quelques petites entorses aux principes fondamentaux. La démocratie radieuse de demain mérite bien qu’on bafoue celle, pourrie, d’aujourd’hui ! » Discours combien de fois entendu dans la bouche de dictatures en mal de légitimité…

Mais le vrai scandale, c’est l’indifférence polie que suscite, au mieux, ce genre de discours dans une classe politique et médiatique complaisante ou paresseuse. Lors d’un débat à la radio au moment de l’adoption de la directive Bolkestein soi-disant expurgée de ses défauts les plus criants (le principe du pays d’origine, notamment), un journaliste en vue m’avait confié en « off » qu’il n’avait « naturellement » pas lu le projet de résolution et qu’il en ignorait jusqu’au contenu, se bornant à faire confiance aux rapporteurs du projet ! Drôle de quatrième pouvoir, à en faire se retourner dans sa tombe celui qui fut l’inventeur de ce concept.

Quant aux eurodéputés français, lorsqu’ils siègent à Bruxelles, c’est la plupart du temps pour prêter main forte à des résolutions scandaleuses comme celle du 7 juin. D’ailleurs, à l’heure où je vous écris, les minutes du Parlement européen semblent préciser qu’aucun d’entre eux n’était présent dans l’hémicycle lors de ce vote.

De ce bal d’hypocrites provient une grande part du flou démocratique européen, dont ceux qui s’en lamentent le plus bruyamment sont bien souvent les premiers à l’entretenir !

En se battant pied à pied ces prochains mois contre tout nouveau traité qui aggraverait les dérives européennes actuelles au lieu de les corriger, c’est cette comédie parlementaire que j’entends dénoncer auprès de nos concitoyens. Mais aussi son danger !

L’abstention massive et presque narquoise que les Français réservent à chaque élection européenne, montre bien qu’ils n’accordent aucun crédit au Parlement de Bruxelles. Mais ils n’ont qu’à moitié raison, car ce dernier joue un rôle réel, et de plus en plus grand, dans des décisions économiques et sociales majeures pour leur vie quotidienne.

J’espère ainsi que ce vote, après ceux sur l’Irak, la directive Bolkestein, la disparition du siège permanent de la France au Conseil de Sécurité des Nations Unies, contribuera à faire prendre conscience aux Français de l’importance réelle des futures élections européennes de 2009 : pour faire valoir vos aspirations et défendre la démocratie, aux urnes citoyens !

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