17 janvier 2009

L'euro a-t-il un avenir ?

Vous trouverez ci-dessous le texte de la tribune que Nicolas Dupont-Aignan a fait paraître dans l'hebdomadaire Marianne ce samedi.


L’euro passera-t-il la prochaine décennie ?

C’est en toute discrétion que les promoteurs de l’euro fêtent son dixième anniversaire ! Oubliés les millions d’emplois promis, oubliée la prospérité de l’Europe puissance !

En effet, la plupart des économistes reconnaissent désormais que l’euro n’a pas pu tenir ses promesses. Les peuples ont donc raison de ne pas l’aimer !

La politique de l’euro surévalué menée par une Banque centrale obnubilée par la lutte contre l’inflation essore toujours davantage le tissu industriel de la zone euro. Handicap pour l’investissement et les exportations, accélérateur de délocalisations, la monnaie unique coûte de plus en plus cher en emplois et en déficit du commerce extérieur notamment vis-à-vis de la Chine.

Si la monnaie unique n’est pas bien sûr la seule cause, elle a beaucoup contribué à la tentation des entreprises d’investir toujours plus hors zone euro pour se protéger des dévaluations compétitives menées par la Chine, les Etats-Unis ou même désormais par l’Angleterre. Symbole entre tous, Airbus va produire le fuselage de l’A350 aux Etats-Unis !

Mais pire encore, alors que la monnaie unique devait rapprocher les économies européennes, elle en a accru les divergences. La France, l’Italie, l’Espagne ou la Grèce, ne pouvant plus dévaluer leur monnaie comme auparavant pour compenser leur faiblesse de compétitivité, ont perdu des parts de marché vis-à-vis de l’Allemagne qui s’est engagée avec efficacité dans une guerre économique (en utilisant notamment sans complexe la TVA sociale à tort si décriée en France).

Le résultat est là : comme le taux de change ne peut plus bouger à l’intérieur de la zone euro, ce sont les emplois qui trinquent dans les pays moins compétitifs et la richesse qui se déplace vers le pays vainqueur. Les déficits commerciaux se creusent d’un côté, les excédents s’accumulent de l’autre.

L’euro qui était censé unir l’Europe menace gravement dans les faits sa cohésion en poussant chaque pays à mener sa propre stratégie.

L’Allemagne ne veut pas relancer son économie et jouer la carte de la solidarité européenne car elle ne craint plus aucune dévaluation compétitive de ses voisins. Elle préfère donc accentuer son avantage. Elle mène d’ailleurs une politique de rentiers qui correspond à sa démographie en déclin. Quand la France gagne 300 000 habitants par an, elle en perd 150 000 (hors solde migratoire).

La France de son côté à cause de l’euro peut se dispenser à court terme de toute rigueur et laisser filer ses déficits budgétaires et commerciaux. Seule une révolte sociale liée à l’explosion du chômage de masse et à la baisse du pouvoir d’achat l’obligera le jour venu à voir la réalité de l’effondrement de son tissu économique accéléré par une monnaie surévaluée. L’euro est donc le plus dangereux des anesthésiants.

Toute la question est de savoir s’il est possible de corriger ces déséquilibres croissants en conservant l’euro. En un mot, est-ce la politique menée par la Banque centrale européenne qui discrédite l’euro ou est-ce au contraire le principe même de la monnaie unique qui condamne nos économies ?

Les plus pessimistes reconnaîtront qu’aucune union monétaire n’a jamais survécu à des politiques économiques différentes. Les optimistes estimeront que l’euro a quand même l’avantage au niveau mondial de protéger les pays membres de l’instabilité monétaire qui ne peut que s’accroître avec la remise en cause du dollar et qu’il faut seulement changer radicalement la politique de la Banque centrale.

Ce qui est sûr aujourd’hui c’est que si l’on veut voir l’euro fêter son vingtième anniversaire, il faut d’urgence revoir le statut de la Banque centrale européenne pour l’obliger à pratiquer une politique de taux d’intérêt favorable à l’investissement et à mener une politique de change évitant la surévaluation de l’euro vis-à-vis du dollar et du yuan. Mais cela ne suffira pas sans un rééquilibrage franco-allemand : une relance massive Outre-Rhin, un effort de compétitivité du côté français. Mission impossible ? Oui si la France continue à subir une politique monétaire si contraire à ses intérêts comme à ceux de l’Europe tout entière. Non peut-être si, enfin, la France jette le pavé dans la marre. Et si pour sauver l’euro, le meilleur moyen ne serait pas de menacer d’en sortir !

Veut-on construire l’Europe grâce à un euro qui profite vraiment à tous, ou alors prendre le risque de l’abimer un peu plus en s’accrochant à un euro qui ne profite qu’à une minorité ? Chaque pays serait alors placé devant sa responsabilité historique…

Nicolas DUPONT-AIGNAN
Député de l’Essonne
Président de Debout la République

Aucun commentaire: