03 février 2009

Plan Fillon : trop peu, trop tard, par Nicolas Dupont-Aignan

Dans les périodes de crise on reconnaît la valeur des dirigeants à leur capacité à prendre en compte la nouvelle donne et donc à ne pas hésiter, autant que nécessaire, à changer à la fois de rythme et de cap.

L’interview dans le Monde d’hier soir du Premier ministre m’a paru édifiant, puisqu’il s’intitule justement, complètement à tort hélas : « Rien ne serait pire qu’un changement de cap ». Je regrette profondément de voir François Fillon, dont je reconnais la grande valeur personnelle, s’enfermer à ce point dans de fausses certitudes.

A la lecture de ses déclarations, on comprend aisément pourquoi la France met en œuvre un plan de relance aussi insuffisant qui sera de toute évidence incapable d’empêcher le désastre économique puis social.

Le Premier Ministre manie la langue de bois sur la plupart des sujets :

Sur l’aide aux banques, François Fillon est trop intelligent pour croire un instant ce qu’il ose affirmer - « il n’y a pas d’aide sans contrepartie » - alors qu’aujourd’hui on s’aperçoit que les 20 milliards d’aides de l’Etat et donc du contribuable servent moins à aider les PME en difficultés mais à offrir des bonus aux traders et des dividendes aux actionnaires. Les nouveaux chômeurs des milliers de PME qui ferment leurs portes apprécieront cette myopie délibérée du Premier ministre.

Encore une fois, seule une participation directe de l’Etat au capital des banques, permettant un vrai contrôle de leur gestion et de leur mobilisation vers les PME et les particuliers, constituerait un moyen efficace de lutter contre la crise du crédit et de veiller à ce que l’argent des Français sert bel et bien à sauver l’économie, plutôt que des dirigeants et des traders qui ne semblent guère avoir changé leurs habitudes. Mais les libéraux au pouvoir s’y refusent, ne voulant pas appliquer à leurs amis ce qu’ils imposent au commun des mortels : la loi d’airain du « qui paie décide ».

Sur la relance par la consommation, là aussi le Premier ministre s’enferme dans un déni de réalité. Certes, il a raison de dire que le plan du PS ne serait pas efficace. En revanche, il a tort de ne pas imaginer d’autres solutions capables d’éviter une récession cumulative. Rien sur une indemnisation supplémentaire pour le chômage technique, rien non plus sur une baisse des charges et d’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réinvestissent leurs profits. Rien pour les collectivités locales qui, dans le budget 2009, sont étranglées financièrement alors qu’elles concourent normalement à 75 % de l’investissement public. Rien enfin sur la mobilisation d’un patriotisme économique en France, afin que nos concitoyens consomment en priorité des produits nationaux et européens, alors que d’autres membres de l’UE (et pas n’importe lesquels !) ne s’en privent pas…

Ce ne sont pas, bien entendu, les 1 000 projets, certes intéressants pour la plupart, annoncés aujourd’hui qui vont éviter la récession ! Et le gouvernement commet une faute tout aussi grave en essayant de « vendre » un plan de 26 milliards d’euros, alors que les Français ont très bien compris qu’il ne s’élevait pas, une fois défalquées les avances sur trésorerie, à plus d’un petit milliard et demi d’euros pour 2009. Une véritable misère (sans doute inspirée par l’absurde discipline budgétaire européenne, tout juste mise au congélateur) lorsque l’on regarde l’ampleur du défi !

Enfin, rien non plus sur le nouvel ordre mondial qui se dessine et notamment la naïveté européenne face à l’utilisation par la Chine, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de l’arme monétaire comme nouvelle barrière protectionniste.

Réforme de l’euro qui nous étouffe, mise en œuvre d’un protectionnisme européen raisonnable, relance d’investissements scientifiques à grande échelle, baisse de charges massive pour nos entreprises, voilà les urgences. Mais manifestement ces chantiers indispensables de l’avenir sont trop grands pour le Gouvernement de la France qui, décidément, voit petit, joue petit et, comme son tuteur bruxellois, affectionne désespérément le trop peu trop tard. On ne voit pas comment le talent communicationnel de Nicolas Sarkozy pourra inverser la vapeur jeudi soir prochain…

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