15 novembre 2009

Sécurité Sociale : Euthanasie passive


Par François MORVAN

Avec une prévision de 18 à 20 milliards d’euros pour 2009, le déficit “abyssal” de la Sécurité Sociale prend des allures de trou noir sidéral. Mais alors qu’il suscitait autrefois des commentaires guerriers - suivis de recettes impuissantes - de tous les gouvernants depuis trente ans, voici pour la première fois les mêmes nous expliquer en substance que ce n’est peut-être pas si grave, en qu’en tout cas, en temps de crise économique globale, il n’est pas l’heure de mettre du sel sur les plaies. Voilà de quoi nous mettre au contraire la puce à l’oreille.
Car si l’on compare ce déficit avec les sommes potentiellement ou réellement englouties dans le sauvetage des banques, (plus de 300 milliards d’euros de garanties bancaires de l’Etat !) la balance peut paraître finalement rassurante. Mais les Françaises et les Français sont désormais payés -si l’on peut dire ! - pour savoir qu’on ne demandera aucun compte sérieux au système financier en faillite qui n’a comme obsession que de tout continuer comme avant, alors que tôt ou tard le peuple devra répondre des déficits “sociaux”.
La vérité est que l’oligarchie au pouvoir a renoncé. De leur côté, les assurances et les fonds de pension sont dans les starting-blocks pour se substituer à la sécurité sociale collective et aux hôpitaux publics. De l’autre, les “politiques”, quand ils ne sont pas les complices directs des premiers, ont comme sur le reste jeté tout courage aux orties : la réforme en profondeur du système de santé, comme celle de l’Education Nationale, exigerait de s’affronter aux corporatismes qui sont autant des lobbys électoraux. La convergence des intérêts et des démissions nous annonce qu’on laisse le malade mourir d’hémorragie.
Bien entendu, le déficit de 2009 est aggravé par la crise des recettes, que les mêmes responsables saisis soudainement de fatalisme ont tout fait pour provoquer. Mais il s’ajoute à un déficit cumulé structurel qui s’est lui constitué en période de croissance, même ralentie.
Les causes en sont bien connues. Il y a d’abord un système de protection sociale qui continue à peser bien davantage sur les revenus du travail que sur ceux du capital. Il y a ensuite le mythe maintenu d’une médecine dite “libérale” qu’on pousse sans cesse à choisir la voie de tarifs libérés des contraintes du système de protection solidaire et collectif. Il y a l’impossible réforme des hôpitaux publics, passés en quelques années d’un mode de gestion soviétique à une fuite en avant où ne compte plus que l’objectif de l’équilibre des comptes quel qu’en soit le prix sur le moyen terme. Il y a l’incapacité à repenser l’organisation des soins dans un monde où le boom du troisième et du quatrième âge, la chronicité des affections graves, devraient conduire à restructurer complètement l’offre des soins qui reste centrée comme il y a quarante ans sur l’aigu et sur l’hospitalisation à la moindre complication.
Les Français doivent le savoir : l’addition qu’on leur présente soudainement comme virtuelle leur sera présentée cash à la première occasion. On viendra alors leur expliquer qu’il faut changer le système, renoncer au ciment républicain que sont le système hospitalier public et la sécurité sociale collective. On leur proposera alors comme le seul choix le système américain d’assurance individuelle que Barack Obama ne parvient pas à réformer : un tiers de la population consommant 60% des ressources, un tiers s’en dépêtrant comme il peut, et le reste laissé à lui-même avec des indices sanitaires qui rejoignent parfois ceux du Tiers-Monde.
Une autre voie est possible : la mobilisation des professionnels, la justice sociale dans les sources de financement, une gestion dynamique des hôpitaux qui unisse les directeurs et les soignants dans une même cogestion. La protection sociale, le système de santé, seront au cœur des choix de société dans les dix ans qui viennent. Seule une volonté républicaine forte appuyée sur le peuple peut faire face au défi.

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