27 février 2008

Interview de Victor Hugo sur le Président de la République

Voilà un petit texte qui circule beaucoup sur Internet ces dernières heures. Nous n'avons pu résisté à vous en faire profiter ici. "Corrosif".

Quel regard portez-vous sur notre nouveau Président ?

Depuis des mois, il s'étale; il a harangué, triomphé, présidé des banquets, donné des bals, dansé, régné, paradé et fait la roue... Il a réussi. Il en résulte que les apothéoses ne lui manquent pas. Des panégyristes, il en a plus que Trajan. Une chose me frappe pourtant, c'est que dans toutes les qualités qu'on lui reconnaît, dans tous les éloges qu'on lui adresse, il n'y a pas un mot qui sorte de ceci : habileté, sang-froid, audace, adresse, affaire admirablement préparée, instant bien choisi, secret bien gardé, mesures bien prises. Tout est là... Il ne reste pas un moment tranquille; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets; ne pouvant créer, il décrète.

Derrière cette folle ambition personnelle, décelez-vous une vision politique de la France, telle qu'on est en droit de l'attendre d'un élu à la magistrature suprême ?

Non, cet homme ne raisonne pas; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute puissance serait fade si on ne l'assaisonnait de cette façon. Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit, et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve si énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve quelque surprise. On se demande comment a-il fait ? On décompose l'aventure et l'aventurier...On ne trouve au fond de l'homme et de son procédé que deux choses : la ruse et l'argent...Faites des affaires, gobergez-vous, prenez du ventre; il n'est plus question d'être un grand peuple, d'être un puissant peuple, d'être une nation libre, d'être un foyer lumineux; la France n'y voit plus clair. Voilà un succès.

Que penser de cette fascination pour les hommes d'affaires, ses proches ? De sa volonté de mener le pays comme on mène une grande entreprise ?

Il a pour lui désormais l'argent, l'agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d'un bord à l'autre quand il n'y a à enjamber que la honte...Quelle misère que cette joie des intérêts et des cupidités...Ma foi, vivons, faisons des affaires, tripotons dans les actions de zinc ou des chemins de fer, gagnons de l'argent; c'est ignoble, mais c'est excellent; un scrupule en moins, un louis de plus; vendons notre âme à ce taux ! On court, on se rue, on fait antichambre, on boit toute honte...Une foule de dévouements intrépides assiègent l'Elysée et se groupe autour de l'homme. C'est un peu un brigand et beaucoup un coquin.

Non, il ne s'agit pas de celui à qui vous pensez. Victor Hugo décrit le Prince-Président de la IIème République, le futur Napoléon III, dans son ouvrage corrosif : "Napoléon le Petit".

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