26 février 2008

Oui aux ruptures nécessaires, non à la transgression permanente !, par Nicolas Dupont-Aignan

A l’usage, il apparaît de plus en plus clairement que le président de la République ne peut s’empêcher d’exercer son mandat sur le mode d’un pouvoir très personnel et presque toujours à la limite de la transgression.

Transgression des usages républicains, des lois non-écrites de notre démocratie, des principes généraux parmi les plus consensuels,… comme si cette volonté de rupture, incontestable chez le président (et dont il faut encore attendre pour en mesurer les résultats concrets), ne pouvait s’exprimer que de manière systématiquement provocatrice et parfois même franchement transgressive.

Cette manie de la transgression, légitimement inquiétante pour une part croissante de nos concitoyens, s’est ainsi manifestée à propos de la réintégration de la France dans l’OTAN, de la scientologie et de la laïcité, de la Shoah, du salaire présidentiel, ou encore de l’échange de mots au salon de l’agriculture. Sur tous ces dossiers, pour certains essentiels, Nicolas Sarkozy est allé dans la mauvaise direction et avec une brutalité qui, quoi qu’il s’imagine, ne le rapproche pas des Français mais l’éloigne au contraire de la mission présidentielle qu’ils lui ont confiée.

Transgression aussi lors de la ratification parlementaire du traité de Lisbonne, cette Constitution européenne refusée par le suffrage universel et à peine remaquillée : Nicolas Sarkozy était l’homme tout désigné pour bafouer la voix du peuple exprimée deux ans plus tôt. Une « divine surprise » pour les élites, politiques, économiques et médiatiques, ravies de laisser ainsi à ce président toujours en première ligne la responsabilité d’un « sale boulot » qu’elles répugnaient à endosser elles-mêmes devant les Français. Souvenons-nous ainsi du « lâche soulagement » que trahirent les propos de François Hollande, déclarant que le PS n’avait pas à s’opposer à la ratification parlementaire au prétexte que Nicolas Sarkozy avait été légitimement élu à la présidence de la République. Argument bien entendu inepte et parfaitement hypocrite, car à ce compte-là le PS n’aurait aucune légitimité à s’opposer à la majorité sur aucun dossier, ce qu’il ne se prive pourtant pas de faire sur la plupart des réformes…

Aujourd’hui cette tentation élyséenne de la transgression s’applique à la censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi de rétention de sûreté, lui interdisant tout effet rétroactif. Les élites, hier complaisamment silencieuses sur la remise en cause du résultat référendaire de 2005, poussent tout à coup des cris d’orfraie parce que le président veut à juste titre parvenir à la prise en charge durable des criminels pathologiques.

Mais ce n’est pas parce que Nicolas Sarkozy propose une mauvaise solution (le contournement du Conseil constitutionnel) qu’il ne pose pas un vrai problème. Son style provocateur risque ici d’enfermer ce vrai problème dans une alternative en forme d’impasse : soit prendre ses aises avec l’Etat de droit, soit laisser dans la nature des prédateurs qui n’attendent que de recommencer.

Cette opposition stérile doit conduire d’urgence à mieux poser le problème : ce qui manque à notre pays, c’est d’une part une Justice suffisamment dotée de moyens (par habitant, ils sont actuellement moitié inférieurs à ceux de la Grande-Bretagne !) et la reconstruction de fond en comble d’un système psychiatrique apte aussi à traiter les criminels malfaisants, lorsque c’est possible.

Ainsi, à force de focaliser l’attention sur la manière, on en oublierait le fond : la nécessité de plaider avec sérieux cette réforme, de délimiter rigoureusement les populations auxquelles elle devra s’appliquer, de lui allouer les moyens humains et matériels qui font tant défaut.
On peut suivre Nicolas Sarkozy sur certaines de ses intuitions de rupture, mais il est indispensable qu’il rompe avec lui-même, avec sa tendance permanente à la transgression qui non seulement n’est pas la condition des réformes, mais en est bien souvent l’ennemie.

Aucun commentaire: