14 mars 2008

Du droit de vote et de la citoyenneté, par Thomas Lefèvre

Nous partageons beaucoup de choses avec l’hebdomadaire Marianne. Nous avons à faire face aux mêmes censeurs. Nous partageons beaucoup de valeurs communes et de propositions sur la démocratie, le pluralisme des médias, la politique économique et sociale ou encore la politique éducative. Depuis que Nicolas Dupont-Aignan s’était présenté à l’élection présidentielle à la fin de l’année 2005, seul Marianne publie ses tribunes. Et lors d’une consultation interne durant la pré-campagne de 2007, les journalistes ont placé notre candidat en 3ème position avec 8%.

Il est, néanmoins, deux points sur lequel nous sommes en désaccord. Tout d’abord, l’Europe. A l’instar de son fondateur, Jean-François Kahn, Marianne défend une position fédéraliste certainement plus respectable que celles tenues par des prétendus gaullistes qui ne rechigneraient pas à ressusciter une Communauté Européenne de Défense, refusée en 1954 grâce aux gaullistes.

Le deuxième point sur lequel il y aurait discussion, c’est la question du droit de vote des étrangers aux élections locales. Dans le numéro de Marianne paru ce mardi pour cause d’élections locales, un court article dans la rubrique « Coups de projecteurs » (p.14) traite cette proposition qui n’est pas récente. En rappelant Nicolas Sarkozy à ses propres convictions dans ce domaine alors qu’il était ministre de l’Intérieur (sans doute avec l’arrière-pensée d’embarrasser Jacques Chirac), Jack Dion énumère un certain nombre d’arguments plaidant en faveur de ce droit de vote.

Bien loin des arguments qu’ont pu être mis en avant dès la Révolution française pour nier le droit de vote des femmes, des domestiques ou des individus ne remplissant pas le niveau requis dans le rôle des contributions fiscales à l’Etat, ce droit de vote ne nous apparaît ni raisonnable, ni conforme à une défense stricte des principes républicains.

Certes, l’entaille exercée dans les principes républicains par le traité de Maastricht en 1992 qui créa un droit de vote des étrangers communautaires aux élections locales pourrait encourager au rééquilibrage en faveur de personnes travaillant, cotisant et payant des impôts en France. De même, Marianne argumente sur le fait que « la France se trouve à la traîne en Europe » sur ce sujet, puisque ce principe a été « explicitement recommandé par une résolution du Parlement européen en date du 14 février 1989 ».

Au-delà, du fait que nous ne saurions nous aligner automatiquement sur les résolutions du Parlement européen (et c’est encore heureux, sinon le peuple n’aurait pas pu s’opposer à la Constitution européenne en 2005), nous sommes attachés fondamentalement au droit de vote et à son corollaire, la citoyenneté. Le droit de vote est directement assimilable à la citoyenneté. La citoyenneté est en quelque sorte cette carte d’adhésion à cette immense association qu’est la Nation.

Premièrement, nous n’avons jamais vu, et les Français qui sont très actifs dans le tissu associatif peuvent le confirmer, des personnes non-membres d’une association avoir le pouvoir de décider des président, secrétaire et trésorier. Ils peuvent contribuer à son activité mais il leur faut adhérer pour participer à la prise de décision. De ce fait, le bon sens demande que le droit vote soit accordé selon le même principe d’adhésion, par l’acquisition de la citoyenneté, pour participer à la prise de décision.

Deuxièmement, être citoyen-électeur, c’est s’exprimer également pour le choix du Président de la République comme de ses conseillers municipaux. Ce qui sépare l’élection d’un maire et d’un Président ce n’est pas une différence de nature mais une différence de degré. Ces élections sont d’égale valeur. Elles se déroulent selon des règles similaires, même si elles ne sont pas la source du même impact sur le territoire. En ce sens, créer un droit différencié pour les élections nationales et les élections locales est un non-sens.

Pour nous, républicains intransigeants du bas au haut de la hiérarchie des pouvoirs en France, le droit de vote implique la citoyenneté. Il est naturel de vouloir donner à des personnes qui contribuent à la richesse et au dynamisme de notre société ce retour. Nous souhaitons, ainsi, que cette possibilité d’adhérer à cette grande association soit facilitée pour tous ceux qui le souhaitent. Cela permettrait encore de renforcer leur intégration. Mais, nous ne saurions approuver l’approfondissement de cette dérive qui consiste à saper un des principes fondateurs de la République : le droit égal de ses citoyens à participer à son devenir.

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