Il y a deux semaines a été votée la loi autorisant la ratification de deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Je vous invite à suivre ce lien pour en savoir plus à propos de ces textes, vous pouvez aussi retrouver mon discours à la tribune de l'assemblé le jeudi 10 avril, en visionnant la vidéo ci-contre.
Ce qu'il faut retenir c'est que 12 ans après l'élaboration de ces traités qui ont donné la directive EUCD puis la loi dite DADVSI dont on a beaucoup parlé en 2006 (voir à ce sujet une interview que j'ai donné, à l'époque, au journal Le Monde), l'assemblée a fini par boucler la boucle en gravant dans le marbre les principes dictés par des lobbies tels que Microsoft Apple ou Vivendi.
Ce n'est pas très visible sur la vidéo mais il vous faut savoir que, mis à part la présence de deux autres députés, c'est à une assemblée vide que je m'adresse. Sur la fin de mon discours 10 députés UMP s'installent dans l'hémicycle, nous sommes 3 opposants : l'affaire est pliée. A cette ambiance de fin de règne s'ajoutent les interventions aussi inutiles que lénifiantes de la Ministre Yade et du Rapporteur. Cette dernière intervention fut d'ailleurs d'autant plus surréaliste que M. Remiller avait fait partie de ce groupe de députés qui, de gauche comme de droite, s'étaient opposé à loi DADVSI de 2006.
Mais l'affaire ne se termine pas là.
Dans le cadre des directives fixées par le Président de la République, Denis Olivennes ex-PDG de la FNAC - maintenant directeur de la publication d'un hebdo "de gauche" - a été chargé en septembre 2007 d'une mission sur « la lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales d'œuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques ».
Cette mission a abouti à un rapport devenu projet de loi qui devrait être présenté en juin , et quel projet ! Si ce texte est voté, votre vie quotidienne, à vous internaute qui lisez ce blog, serait bouleversée ! Les sanctions instaurées par la loi DADVSI pour dissuader le téléchargement illicite étant inopérantes, la mission Olivennes a inventé un nouveau système de contrôle des internautes que l’on a pudiquement baptisé « riposte graduée ». Cet euphémisme cache en fait un système consistant à imposer aux fournisseurs d’accès internet (FAI) la coupure de l’abonnement internet de leurs clients qui continueraient à télécharger gratuitement des œuvres.
L’idée paraît de bon sens et mesurée, mais dans la pratique cela consisterait purement et simplement à exercer une surveillance continuelle de l’internet en France au moyen d’un logiciel espion, que chaque internaute serait obligé d’installer sur son propre ordinateur sans qu’on sache exactement ce que ledit logiciel surveillera effectivement ! On pourrait ainsi aboutir à la situation ubuesque où l’abonnement internet de toute une famille pourrait être résilié parce que l’un des enfants, à l’insu de ses parents, aurait téléchargé un morceau de musique… Pire, si vous disposez du WIFI, rien n'empêcherait quelqu'un doté d'un bagage technique de s'introduire sur votre réseau sans fil et de faire ce qu'il veut de votre connexion. Et dans ce cas de figure le logiciel gouvernemental serait inopérant.
Enfin, ce texte mettrait en place une soi-disant « autorité indépendante », sous contrôle gouvernemental mais surtout en lien avec les entreprises du secteur, qui serait chargée dans les faits de décider de ce qui est légal ou pas sur internet. Par sa faculté arbitraire d’imposer des résiliation d’abonnements internet, cette « autorité » disposerait du pouvoir exorbitant de décider ce qui est licite ou non sur internet. En démocratie, un tel type de pouvoir ne saurait être exercé que par des magistrats, en aucun cas par les membres d’une corporation ou de lobbies par définition juges et parties !
Au moment où les majors du disques reconnaissent qu’ils ne peuvent plus contrer le téléchargement gratuit et décident en conséquence de participer à des plateformes proposant cette prestation, on se demande vraiment pourquoi le gouvernement se précipite pour mettre en place un système condamné par le bon sens et l’histoire. La révolution numérique permet de copier et de faire partager à l’infini toute œuvre audiovisuelle et c’est là bien entendu un progrès majeur. Il faut donc, contrairement au système Olivennes, ouvrir la voie à un nouveau système de rémunération des auteurs assis sur la licence globale, contribution forfaitaire mensuelle sur chaque abonnement internet. Plutôt que de copier l’internet en Chine, qui a instauré un Big Brother contrôlant à tous les niveaux l’utilisation d’internet et pratiquant une répression impitoyable contre les contrevenants, il faut préparer résolument l’internet du futur, tirer parti de toutes les formidables promesses de la révolution numérique !
Ne soyons pas les moines-copistes du XXIème siècle, étouffant le progrès comme leurs prédécesseurs du XVème siècle qui avaient tenté de maintenir le monopole de leur corporation en essayant de faire interdire l’imprimerie.
23 avril 2008
Ne soyons pas les moines-copistes du XXIème siècle !, par Nicolas Dupont-Aignan
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