05 juin 2008

Crise de l'énergie : double jeu de l'Etat ?, par Nicolas Dupont-Aignan

Aujourd’hui alors que la flambée prévisible des cours du pétrole étrangle nos concitoyens, le gouvernement mais aussi la plupart des partis politiques semblent résignés. Coincés entre le marteau des pays producteurs et l’enclume des contraintes bruxelloises, ils semblent totalement indifférents au profond désarroi de nos compatriotes.

Et pourtant il est possible d’agir. En 2003 dans l’indifférence générale, Debout la République avait publié un mémorandum plaidant pour le renouveau de notre politique énergétique, depuis trop longtemps à la dérive.

Agir tout d’abord à court terme pour alléger la facture des professions les plus pénalisées et éviter ainsi la mise en faillite de bon nombre de pêcheurs, routiers ou agriculteurs. N’attendons pas Bruxelles et décidons vite, par exemple une exonération de TVA. La survie de dizaine de milliers de professionnels vaut bien le soin apporté aux contribuables assujettis à l’ISF !

Mais il ne faudra pas en rester là : toute la vérité devrait être faite sur l’écart inexplicable entre la flambée des prix à la pompe et à la cuve d’une part, et celle, d’autre part des cours du pétrole brut dont le coût aurait dû, pourtant, être largement amorti par l’appréciation très forte de l’euro face aux autres devises internationales. Mon collègue le Député du Pas-de-Calais, Jean-Pierre Kucheida, a ainsi calculé que l’augmentation du baril en euros réels (c'est-à-dire en intégrant l’appréciation de ce dernier sur le marché des changes) est de 15,5% entre 2000 et 2008, tandis que l’augmentation du gasoil sur la même durée dépasse les… 70% !

Où donc est passée la différence, qui l’a discrètement engrangée ? Comment se fait-il, alors qu’on nous serine du soir au matin que l’euro représente un formidable parapluie contre l’explosion du prix du baril, que le seul avantage avéré de la monnaie unique ne soit même pas au rendez-vous ? Faut-il croire, comme pour le gaz dont le coût réel d’importation ne justifie aucunement les deux hausses de cette année, que l’Etat-actionnaire ou les entreprises concernées s’engraissent sur le dos des Français ? Une Commission d’enquête parlementaire serait indispensable pour faire la lumière sur cet aspect central de la question !

Dans l’hypothèse, très probable, où il apparaîtrait que bien des abus sont commis dans le silence feutré des conseils d’administration et des palais nationaux, ne faudrait-il pas réfléchir à la remise au goût du jour de l’esprit du Conseil national de la Résistance, à l’instauration d’un tarif unique et régulé des carburants, comme d’ailleurs de toutes les ressources essentielles qui, en République, devraient être soustraites à l’avidité irresponsable d’une certaine culture du marché, mêlant dans la plus complète opacité prédation des multinationales et spoliation d’Etat ?

Mais au-delà de cette réorientation fondamentale de la politique des prix de l’essence, qui n’en doutons pas se heurterait à de formidables intérêts si on osait la mettre en œuvre, il est aussi nécessaire d’agir pour aider les professionnels comme l’ensemble des Français d’ailleurs, à remplacer leur outil de travail, leur voiture ou leur chaudière par des modèles moins consommateurs d’énergie. Le gouvernement a l’embarras du choix, des mesures fiscales possibles. « La Jupette », en son temps, avait fait merveille pour accélérer le renouvellement du parc automobile. On peut imaginer ainsi pour les particuliers la réduction de la taxe foncière pour l’acquisition d’équipements énergétiques à faible consommation (réduction remboursée aux communes par l’Etat).

Enfin, il est urgent d’agir en utilisant les leviers exceptionnels que représentent les grandes entreprises énergétiques françaises bâties depuis 1945 par l’effort du contribuable.

- Comme l’a très bien analysé Yves de Kerdrel dans le Figaro du 4 juin, il serait temps de rappeler à l’ordre EDF qui, au lieu de s’engager à nouveau dans une politique de croissance externe aussi hasardeuse qu’inutile pour les Français, devrait être fermement invitée par l’Etat à consacrer les 15 mds € qu’elle envisage de dépenser pour acquérir British Energy à la relance du programme électronucléaire en France (15 mds, c’est 5 centrales !).

- Il serait temps, aussi, de bloquer les tarifs de GDF qui ont été scandaleusement augmentés alors que rien ne le justifie réellement, exception faite sans doute du désir de ses dirigeants et actionnaires (au premier chef l’Etat !!) d’accroître la rentabilité de l’entreprise sur le dos des Français.

- Il serait temps, de même, que la politique de Total soit contrôlée un tant soit peu par l’Etat. Il ya a urgence à faire sauter les goulets d’étranglement dans le raffinage pesant sur les prix et s’expliquant par des sous-investissements.

Pauvre en matières premières énergétiques, la France a su à la libération puis lors du 1er choc pétrolier se doter d’une politique volontariste qui a permis aux Français de bénéficier de l’électricité la moins chère d’Europe, d’une autosuffisance de 50% environ et a offert à nos industriels un avantage de compétitivité crucial pour leur développement.

Malheureusement depuis une quinzaine d’années il n’y a plus de pilote dans l’avion. Pire, les gouvernements successifs ont laissé peu à peu Bruxelles démanteler l’un des plus beaux atouts de notre pays en le livrant à une logique inepte et antiéconomique du tout-marché. Aujourd’hui la question est simple. Voulons-nous une politique publique offensive ? D’un côté, pour aider les Français en adoucissant le choc financier sans précédent auxquels ils sont être confrontés, de l’autre pour investir sur le long terme dans la production d’une énergie pour tous, accessible et libérée de la tyrannie d’un capitalisme sauvage, sauvage jusqu’à se détruire lui-même.

Il y a urgence !

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