21 janvier 2009

Le tour de passe-passe des bonus, par Nicolas Dupont-Aignan

La politique de soutien de l’Etat aux banques vient d’apporter un nouvel exemple de l’habileté tacticienne et médiatique de Nicolas Sarkozy : en convoquant à l’Elysée les dirigeants des grandes banques françaises pour leur faire renoncer à leurs bonus, le président de la République a semblé marquer de nouveaux points dans sa croisade de moralisation du capitalisme financier, censée permettre la refondation et la stabilisation du système.

Néanmoins, pour nécessaire qu’elle fût - et je la réclamais depuis longtemps avec mes amis gaullistes et républicains de Debout la République -, cette mesure spectaculaire n’a été, en l’espèce, qu’un contrefeu communicationnel destiné à faire oublier l’absence totale de contrepartie sérieuse (pas de prise de participation directe dans les établissements, donc pas de droit de vote ni de regard aux conseils d’administration) à l’octroi de la seconde tranche de 10,5 Mds € d’aide aux banques, accordée au même moment.

Ainsi, à l’heure où les établissements bancaires reconstituent leurs marges à vitesse grand V grâce à l’argent du contribuable mais sans faciliter les conditions d’accès au crédit (raison d’être, pourtant, des largesses de l’Etat), le président de la République monte en épingle un sujet symbolique pour mieux occulter le fait qu’il s’est couché sur l’essentiel. Chapeau l’artiste : à n’en pas douter, les Français n’y verront que du feu, à l’instar d’ailleurs des médias qui n’ont guère dénoncé le tour de passe-passe !

Rebelote, les banques ne seront donc soumises à aucune contrainte dans l’utilisation des milliards d’euros que l’Etat met à nouveau à leur disposition. Quoi d’étonnant, dès lors, que les banquiers se soient précipités au palais de l’Elysée en affichant des mines de pénitents ? C’est bien connu : « Pour vivre heureux, vivons cachés ! »

Les libéraux nous ont expliqué à voix basse que l’Etat ne devait en aucun cas prendre une participation dans l’actionnariat des banques (seul moyen d’établir un vrai contrôle de leur activité et de leur gestion), sous peine de fausser les règles du marché, de permettre à la puissance publique de faire ce qu’elle ne sait pas faire et de léser les actionnaires. Mais qui ne se rend compte, au-delà de ces arguments d’allure spécieuse, qu’il s’agit surtout de leur permettre d’empocher l’argent des contribuables sans rendre de comptes ?

N’est-il pas étrange que ces mastodontes, qui portent une part écrasante de responsabilité dans la crise (voir, dernière en date, l’affaire Madoff), s’exonèrent des règles les plus élémentaires qu’ils imposent aux PME lorsqu’ils acceptent encore de les financer, à savoir une entrée aux capital de ces entreprises pour mieux les surveiller ? Où est donc passé ce dogme imperturbable et fatal des grands argentiers, selon lequel « qui paie, décide » ? Les Français vont-ils accepter encore longtemps que l’on dilapide l’argent public en leur nom, pour permettre à des dirigeants qui ont failli de répéter en boucle avec le plus grand mépris : « Faites ce que je dis, pas ce que fais ! » ?

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