ROUEN ENVOYÉ SPÉCIAL
La robe noire de madame le juge contraste. De chaque côté, deux conseillers prud'homaux élus par les salariés et deux autres, élus par les employeurs. Ils sont en civil, ceints d'un large ruban rouge et bleu, "le même pour tous", soulignent-ils. Ce jeudi 27 novembre, dans une petite salle du tribunal des prud'hommes de Rouen, Mélanie Petit-Delamare, du tribunal d'instance, vient apporter son "expérience", selon son expression, pour une audience dite de départage.
Durant trois heures, elle va examiner trois affaires sur lesquelles les deux parties n'ont pu se mettre d'accord. Face à elle, Albéric, un salarié licencié par son entreprise de sécurité. Son avocat estime que la "mutation disciplinaire" dont il a fait l'objet était illégale. Au coeur du débat porté par Me Eric Malexieu, cette notion de mutation disciplinaire et la clause de mobilité prévue dans le contrat de travail.
Durant trois heures, elle va examiner trois affaires sur lesquelles les deux parties n'ont pu se mettre d'accord. Face à elle, Albéric, un salarié licencié par son entreprise de sécurité. Son avocat estime que la "mutation disciplinaire" dont il a fait l'objet était illégale. Au coeur du débat porté par Me Eric Malexieu, cette notion de mutation disciplinaire et la clause de mobilité prévue dans le contrat de travail.
L'employeur a proposé à Albéric de changer de poste et d'aller travailler au Havre à "75 km de Rouen où il réside". Le salarié prend un congé maladie, "syndrome dépressif". Aujourd'hui, son avocat demande le paiement d'indemnités de licenciement, les congés payés, l'indemnité de préavis, un rappel de salaire, le tout pour quelque 4 500 euros. "Il est facile de prendre des sanctions pour pousser à la démission et éviter un licenciement, explique maître Malexieu, c'est un détournement de pouvoir."
L'avocat de l'employeur, ce dernier absent lors des débats, insiste sur les fautes commises : "Rondes non effectuées, absences injustifiées, difficultés de comportement, visite féminine dans le poste de garde." "De plus, le salarié n'a jamais pris son nouveau poste, argue Me Jérôme Lestoille, il y a donc abandon." En une heure, les faits sont exposés, tous les détails déballés. La juge annonce que le délibéré est fixé au 22 janvier. La saisine remonte à novembre 2007. Une conciliation a eu lieu sans succès - celle-ci est obligatoire et doit permettre aux deux parties de trouver un arrangement - en décembre. L'audience s'est tenue en mai 2008 et le jugement a été rendu à la mi-juillet. Devant l'impossibilité d'un accord entre les quatre conseillers, il a été fait appel au "juge départiteur". Plus d'un an, un délai fréquent, a été nécessaire.
En aparté, Mélanie Petit-Delamare confie son attachement aux prud'hommes, "une justice marquée par une vraie collégialité". "Notre rôle est d'apporter des règles de droit et, souvent, d'amener un peu de recul par rapport aux conseillers, élus par les salariés et les employeurs", estime-t-elle. Mais, se félicite la juge, "les défenseurs syndicaux interviennent toujours dans l'intérêt du salarié, sans le confondre avec des revendications collectives, syndicales". Seul problème, "les délais sont trop longs".
"CALVAIRE"
Dans les couloirs du tribunal, les conseillers acquiescent : "Ce qui mine les prud'hommes, ce sont les délais, les renvois quand les avocats professionnels disent ne pas être prêts." Une affaire d'argent, estiment-ils, les avocats touchant moins quand la conciliation réussit et que les délais sont plus courts. Pour Jean-Pierre Lemouton, conseiller du collège employeur, "on considère cela comme un échec quand on n'est pas arrivé à se mettre d'accord".
La juge enchaîne avec une nouvelle affaire : Séverine, licenciée pour fautes par son employeur, un boulanger. C'est un défenseur syndical, bénévole, qui l'assiste. Jean-Luc Robin, un cheminot CGT, parle de harcèlement, dit le "calvaire" de la jeune salariée, sa dépression. Il explique longuement la "rupture abusive".
L'avocate professionnelle du boulanger expose, elle, les nombreuses fautes : "moule à madeleines pas propre", "croissants trop légers qu'il a fallu jeter"... Photos à l'appui. Une heure plus tard, Mme Petit-Delamare demande à Séverine quelle est sa situation. "A la recherche d'un emploi", répond-elle timidement. L'employeur, présent, n'a rien à ajouter. Délibéré en janvier pour une saisine remontant à septembre 2007.
Dans la salle voisine, se tient une audience de conciliation, à huis clos. "Cela permet de mieux échanger et de faire évoluer les positions", explique Alain Paubert, défenseur syndical et ancien conseiller. Dans le couloir, Philippe, employé d'une société de protection incendie, le sollicite. Son CDD a été rompu avant terme, sans explication de l'employeur. "J'ai deux enfants, un prêt pour la maison et je ne sais même pas si j'ai le droit de retravailler", explique-t-il. Alain Paubert lui expose dans le détail les démarches à suivre.
En 2007, à Rouen où oeuvrent 130 conseillers, 1 787 affaires ont été jugées, contre 2 436 en 2006. Sur ce nombre, 156 ont été résolues en conciliation, 790 ont été rendues sur le fond dont 105 en départage. La durée moyenne des affaires reste longue mais elle a été fortement réduite, passant de 16 mois en 2006 à un peu plus de 13 mois, l'an dernier.
Rémi Barroux
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Ci-dessous l'éditorial de Thomas Lefèvre appelant à voter
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