21 février 2008

Qui sème le vent..., par Nicolas Dupont-Aignan

La garde rapprochée du président de la République dénonce avec une rare virulence une chasse à l’homme dont serait victime son champion. A l’entendre, le holà exprimé dans les colonnes du magazine Marianne aux dérives de plus en plus inquiétantes de la politique élyséenne, serait rien moins que l’expression d’une posture antirépublicaine et antidémocratique. Les signataires de cet appel à la vigilance républicaine ne seraient que les « mauvais perdants » des dernières élections, contestant en réalité le choix des Français eux-mêmes.

Oubliant les règles élémentaires de la courtoisie républicaine et du débat démocratique sérieux dont, bien entendu, ils ne manquent pas au passage de s’autoproclamer les uniques gardiens, les porte-flingues de la Sarkozie en danger ne reculent devant aucune invective : « charognards », « revanchards » lancent-ils, drapés dans les habits immaculés des martyres de la démocratie.

On voit même fleurir des tentatives de contre-appels, sans aucun doute promises à un brillant avenir ! L’échéance toute proche d’un remaniement gouvernemental fait naître, manifestement, bien des vocations et bien des outrances…

Mais, au-delà du caractère dérisoire pour ne pas dire pathétique de cet écran de fumée ultra-polémique, comment ignorer l’évidence ? Hors du cercle élyséen, chacun en conviendra : aussi bien dans la pratique du pouvoir que sur le fond, Nicolas Sarkozy ne fait que récolter ce qu’il a semé. Pire, les toutes dernières incartades du chef de l’Etat et de son entourage, sur le devoir de mémoire et la scientologie, étayent jusqu’à la caricature les sages mises en garde de l’appel publié par Marianne.

La pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy, qui frise en réalité une autocratie à des années-lumière de tout ce qu’on avait connu jusqu’à présent sous la Vème République (même sous de Gaulle, qui laissait les ministres gouverner), éclipse tous les rouages ordinaires de l’Etat pour ne mettre en première ligne que son chef : annonces improvisées, à tort et à travers, confusion des rôles, interventions sans légitimité ni lisibilité de conseillers qui distillent par procuration les dernières « trouvailles » du moment, etc.

Le gouvernement ? Inexistant. Le Parlement ? Aux ordres. La justice ? Traitée comme un adversaire par le pouvoir exécutif. La presse ? Méprisée et accusée de tous les maux lorsque la popularité se fait rare. Les opposants ? Des jaloux bien sûr… Or, à force d’être sans freins ni limites, tout pouvoir penche naturellement vers l’excès et l’aveuglement. Le contenu des annonces présidentielles, qui sont presque à chaque fois autant de provocations, le démontre amplement.

Comment imaginer ainsi que l’on puisse tenir la scientologie pour une « religion comme une autre » ? C’est en substance le message voilé de la Directrice de Cabinet de l’Elysée, dont les démentis confus et partiels, tout comme d’ailleurs l’absence d’un ferme rappel à l’ordre présidentiel, ne laissent pas d’inquiéter aussi bien pour l’avenir de la laïcité que pour la lutte contre les phénomènes sectaires. Que Tom Cruise se fasse le prosélyte de choix de cette secte, c’est son droit de citoyen américain et sa faculté de star hollywoodienne. Mais qu’un président de la République française ne démente pas formellement sa directrice de cabinet qui semble lui emboîter le pas, NON !

La ferme défense de la laïcité républicaine, sans plus jouer avec la ligne jaune d’une « laïcité positive » à géométrie manifestement très variable, voilà ce que nous réclamions entre autres dans l’appel de Marianne. Mais il n’aura pas fallu une semaine pour que l’entourage élyséen en rajoute une couche en ne se contentant plus, cette fois, de se faire simple apologétiste des religions, mais de manifester une incompréhensible tolérance à l’égard d’une secte aux relents millénaristes extrêmement dangereux.

Les Français, à juste titre impatients de résultats qui restent à l’état de promesses, sont las et même désormais inquiets des annonces présidentielles tonitruantes. C’est la principale raison de sa chute libre dans les sondages de popularité qui, avec l’affaire de la scientologie, risque de se prolonger jusque dans les abysses. « Qui sème le vent, récolte la tempête » dit l’adage populaire…

Le président de la République voudrait faire de la politique comme on est à la mode. Mais il a oublié une seule chose, capitale : toutes les modes se démodent, surtout en politique où la persistance des problèmes finit toujours par se voir et se payer dans les urnes. Au lieu de chercher des boucs émissaires pour expliquer son désamour grandissant d’avec les Français, Nicolas Sarkozy ferait mieux de se ressaisir, de cesser l’exhibitionnisme bling-bling et de bousculer les vrais verrous qui justifient la rupture tant attendue : euro cher, saignée des délocalisations, interdiction de Bruxelles de pratiquer toute stratégie industrielle digne de ce nom, misère de la Justice et de l’audiovisuel public, etc. Il y a urgence.

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