15 octobre 2008

Sauver les banques c'est bien, sauver l'emploi et le pouvoir d'achat c'est mieux !, par Nicolas Dupont-Aignan

En se réunissant dimanche, les dirigeants de la zone euro ont enfin adressé un message fort au marché financier. De manière assez habile, ils ont présenté leur plan comme une grande victoire de l’Europe.

Il s’agit plus exactement de la victoire de la coopération entre les Etats Nations, dans la lignée des succès d’Airbus et d’Ariane. Preuve, s’il en était besoin, que lorsque l’essentiel est en jeu, les Etats redeviennent maîtres du jeu et font fi des chimères de l’Europe supranationale.

La Banque Centrale européenne et la Commission ont d’ailleurs été désavouées de fait sur la gestion des déficits. Pour autant, ces deux institutions, dont la responsabilité dans la crise financière et économique est immense, n’ont pas dit leur dernier mot. Elles font le gros dos mais n’ont rien abandonné de leurs idées fausses. Ne nous racontons pas d’histoires : tous leurs dogmes (monétaire, concurrentiel, libre échangiste,…), que Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs étrillés lors de son discours de Toulon, ont en réalité été mis au congélateur et en ressortiront à la première occasion.

C’est bien là toute l’ambigüité de ce plan de sauvetage. On aide de manière considérable les banques, mais où sont les contreparties ? Rien sur les paradis fiscaux, rien sur les hedge funds, peu sur l’encadrement des rémunérations, presque rien sur la régulation effective des mécanismes de l’économie-casino !

Et pourtant, le Parlement européen a voté à la quasi unanimité une réglementation stricte de ces fonds réglementés. La Commission de Bruxelles, la refusant de toutes ses forces par pure idéologie, a fait capoter ce projet.

Cette faiblesse morale (cette complaisance ?) des dirigeants européens à l’égard du système est avant tout une faute économique car, comme l’a dit très bien Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, « une transfusion sanguine ne sert à rien si on ne guérit pas l’hémorragie interne ».
Plus grave encore, les dirigeants européens prennent les citoyens pour des imbéciles. Comment peuvent-ils décemment nous expliquer que leur plan d’action ne coûtera rien aux contribuables ? Et comment osent-ils refuser tout plan de relance pour l’économie réelle ?

En vérité, ils sont capables d’investir des dizaines de milliards d’euros pour sauver le système bancaire sans vraiment le réformer, mais rechignent toujours autant à dégager un milliard pour la protection de l’environnement, la santé ou l’industrie. Ce raisonnement est intenable. Il ne fera qu’alimenter la colère des peuples, leur sentiment d’injustice et surtout n’empêchera pas la récession.

C’est pourquoi je persiste à penser que ce plan de sauvetage, s’il est nécessaire pour éviter un effondrement bancaire qui serait catastrophique pour tous, doit s’accompagner d’une part de la moralisation du système, et d’autre part de la relance de l’économie réelle.

La « relance » à laquelle je songe est de deux ordres : conjoncturelle, pour rendre tout de suite du tonus aux économies du vieux continent, un peu comme on donne des vitamines et du glucose à un grand malade pour lui donner un coup de fouet. Mais aussi, et surtout, structurelle : il nous faut inventer un nouveau keynésianisme européen, un nouveau système économique où la demande équilibre l’offre, où les montagnes d’argent fictif de l’économie-casino, amassées sur le dos des peuples, cèdent la place à un développement durable, fondé sur des taux de rentabilité raisonnable, la juste rémunération des salariés, des investissements de long terme, l’intervention étatique permanente pour tenir la dragée haute au marché, la permanence des services publics, etc.

Cela impliquerait un bouleversement profond de la construction européenne actuelle. Mais les dirigeants européens si prompts à se réunir pour sauver la mise des banquiers, seront-ils capables d’imposer à la Banque Centrale européenne et à la Commission une révision radicale de leurs politiques ? Telle est la question centrale des prochains mois.

Changer le statut de la Banque centrale européenne pour y introduire un objectif de croissance économique, lancer un programme de grands travaux financé par la Banque européenne d’investissement (celui annoncé, d’un montant de 30 milliards d’euros, sera insuffisant), rétablir la préférence communautaire pour sauver nos emplois, investir dans la science et l’industrie pour préparer la compétition mondiale du XXIème siècle,… voilà les enjeux clés.

Car la crise financière, ne l’oublions jamais, n’est que la partie émergée de l’iceberg d’une mondialisation inhumaine que nous avons tous le devoir, plus que jamais, de maîtriser.

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